La 18e édition de Ségou Art-Festival sur le Niger qui a commencé le 1er février dans la Cité des Balanzans a pris fin le dimanche 6 février. Une édition placée sous le thème Arts et Maaya. Qu’est-ce qui a marqué cette édition ? Attaher Maïga, coordinateur, revient sur les grandes lignes. Entretien …

Mali-Tribune : Le festival a retrouvé sa vitalité. Qu’est-ce qui a fait l’origina-lité de cette édition ?

Attaher Maiga : Chaque année, depuis le départ, on a toujours cherché à innover et à créer davantage. Par rap-port au festival sur le Niger, je pense que cette année on est dans la même dynamique et malgré le contexte assez par-ticulier que vit le pays, notam-ment en raison de l’embargo qui a été décrété sur le Mali en raison aussi de la crise sanitaire et sécuritaire. Je pense que c’était quand même osé d’organiser un événement d’une telle enver-gure. Au Mali, notamment, à Ségou, dans une région. Pour nous, c’est un acte de résilience et de résistance pour dire non à toutes les formes d’injustices, d’agres-sions et montrer aux yeux du monde que l’art et la culture ont de beaux jours devant eux au Mali, pour montrer au monde la richesse de l’art et la culture de notre pays. Donc cette année, ce qui a fait la particularité, c’est qu’on a jugé nécessaire d’offrir gratui-tement toutes les activités, y compris les concerts

Mali Tribune : Quelles sont les précautions que vous avez prises tant sécu-ritaires que sanitaires, à cause de la Covid-19 ?

A. M. : Du point de vue sécuritaire, je pense qu’on a travaillé avec les autorités de la région et du pays pour la sécurité des festivaliers. Et pour cela, depuis plusieurs semaines, on a commencé à travailler. On a mis en place un cadre pour sécuriser les différents sites du festival pendant toute la durée du fes-tival. Je pense que tout s’est bien passé. Aucun incident n’a été signalé. Par rapport à l’aspect sanitaire, comme on l’a fait depuis l’année dernière, on a renforcé le dispositif de lava-ge de mains sur les différents sites et on a exigé à ce que les gens puissent porter le masque à l’entrée. On a dit que les événements étaient gratuits, mais pour y entrer, il fallait absolument avoir le masque. La pandémie n’est pas encore totalement partie. Il est important que chacun à son niveau soit plus sensibili-sé et faire que les gens puis-sent respecter les mesures barrières

Mali-Tribune : Pourquoi avoir décidé de faire de cette édition un accès libre ?

A. M. : On est conscient que la gratuité n’est pas tou-jours une bonne chose. Mais cette année, on a tenu à mar-quer le coup, comme on l’a dit, pour soutenir vraiment les populations dans ce contexte assez particulier. Parce qu’on a compris que cette année, c’était vraiment difficile. C’était une manière pour nous de soutenir tous ces efforts et de montrer aux populations que nous sommes avec elle.

Mali-Tribune : Beaucoup de festivaliers se plaignent du fait que vous ayez laissé les politiques s’impliquer dans cette édition ? A. M. : L’édition 2022 était parrainée par le ministre de la culture, de l’artisanat, de l’in-dustrie hôtelière et du touris-me qu’on a démarché depuis plusieurs mois, chose qui est tout à fait normale vu que c’est le ministère de tutelle. Et aussi qu’il a soutenu le festival depuis qu’il n’était pas ministre jusqu’à maintenant. On avait jugé nécessaire cette année de lui confier le parrai-nage. Ils ont souhaité que le Premier ministre soit aussi là. Je pense qu’en tant que patriote, on ne peut pas leur refuser de venir participer à nos cérémonies. On ne peut pas dire à une autorité de ne pas venir participer parce que pour nous, ils mènent le même combat, même beau-coup de combats, en d’autres manières sur le plan politique, sécuritaire. Et nous, nous sommes les soldats de la cul-ture. On mène le combat aussi à notre niveau. Je pense qu’on est complémen-taire et là aussi peut-être que les gens peuvent interpréter de différentes manières. On n’a donné de la visibilité à per-sonne, chacun est resté dans son créneau. La preuve en est que les activités se sont déroulées normalement comme prévu.

Mali-Tribune : Qu’est-ce qui différencie le festival sur le Niger des autres festi-vals ?

A. M. : On travaille beau-coup avec les communautés et c’est un festival pluridiscipli-naire. Il y a des festivals qui font de la musique, d’autres l’art contemporain. Nous, toutes ces disciplines, on essaye de travailler là-dessus et de les intégrer d’année en année. Quelqu’un me parlait du livre, du cinéma et je crois qu’on va explorer ça dans les années à venir par rapport au festival. Donc, le fait qu’on est pluridisciplinaire et qu’on arri-ve à faire ce lien entre la cul-ture et l’économie aux béné-fices des communautés locales, notamment à travers la foire artisanale et agricole. Tous ces éléments peuvent être des facteurs, qui nous dif-férencient des autres festi-vals. On a aussi mis en place un modèle économique, qui nous permet de résister mal-gré tous les défis auxquels le pays est confronté. Depuis 2012, je pense que beaucoup de festivals ont plié bagages. Nous, on a toujours maintenu le cap et on essaye de faire les choses à notre rythme. Et je pense que d’édition en édi-tion, c’est toujours de nou-velles innovations, que les gens découvrent. L’autre par-ticularité c’est peut-être le fait qu’on l’organise dans une ville secondaire du Mali, pas dans la capitale. Et ça donne un aspect authentique et atypique que les gens vont venir découvrir. C’est aussi une manière d’en-courager les autres promo-teurs à aller investir dans d’autres régions.

Mali-Tribune : Depuis 2014, le festival du dessert, qui aujourd’hui est la cara-vane, a rejoint le festival et cela donne l’impression d’avoir plusieurs festivals en un. Comment se fait cette collaboration, ce par-tenariat ?

A. M : Beaucoup de per-sonnes ont cette impression. On a jugé nécessaire de colla-borer avec l’ensemble des festivals, des organisations culturelles du Mali. On fait partie d’un réseau national Kya et également des réseaux continentaux et inter-nationaux. Chaque année, les membres de ces réseaux viennent nous soutenir dans différents domaines. C’est ce qui donne cette impression. Pour revenir à la caravane, je pense que c’est un partenariat dynamique pour nous de pou-voir le vivre ensemble et la cohésion sociale à travers trois grands festivals, notam-ment le festival au désert, le festival Taragalte et la fonda-tion du festival sur le Niger. Depuis le départ, on vient de célébrer la 9e édition et je pense que ça se passe très bien et ça contribue vraiment à créer ce brassage entre les différentes communautés du Mali et à faire en sorte que la communauté puisse dialoguer et mieux se connaître à tra-vers la musique, l’artisanat et la gastronomie.

Mali-Tribune : Le festival sur le fleuve Niger se diver-sifie dans beaucoup de domaines et c’est une valeur ajoutée ou plus de risques ? A. M. : Je pense que la diversité a aussi ses avan-tages. Dans la vie, il faut prendre des risques pos-sibles. Il faut toujours aller sur de nouveaux chantiers, les découvrir et apprivoiser pour s’adapter. C’est pourquoi d’édition en édition, vous trou-verez toujours de l’innovation. L’année prochaine quand vous viendrez, vous trouverez que le festival aura changé de visage dans un aspect ou un autre. Et même quand vous regardez le design de nos salles d’expositions, chaque fois, on change pour répondre aux standards internationaux, en termes d’exposition tout en se basant sur nos valeurs locales. On a toujours mis l’accent sur nos valeurs et produits locaux avant de se projeter vers le monde exté-rieur. Donc, cette diversité-là, on en est conscient et on tra-vaille pour que ce soit plutôt une force et non une menace pour l’avenir du festival sur le Niger.

Mali Tribune : A com-bien estimez-vous les festi-valiers et de combien de nationalités ? A. M. : Cette année, on avait tablé sur 30 000 festiva-liers pour la semaine. Je pense que là, vu la grande affluence, on peut dire qu’on a largement dépassé ces 30 000. A ce stade, on peut par-ler de 35 000 pour l’ensemble des jours. Pour la foire, je pense que c’est une affluence record aussi. Parce que là, c’est vraiment l’aspect popu-laire du festival avec la foire et pour le concert de jeunes talents. Chaque année on a 200 000, mais cette année aussi je pense qu’on a dépas-sé ces 200 000 visiteurs qui viennent de différents pays de l’Afrique de l’ouest. Cette année on a accueilli plus de 31 pays d’Afrique et d’ailleurs qui malgré les sanctions et les contraintes liées à la mobilité, ont tenu à être avec nous pour célébrer l’art et la culture pendant ces quelques jours.

Mali Tribune : Quel apport le festival a eu sur l’économie locale ? A. M. : Le festival a un impact considérable sur l’éco-nomie locale. Quand on regarde notre décoration, on travaille avec des matériaux locaux. Les nattes, les cale-basses, qui nous servent de décoration. L’architecture en terre rouge aussi est beau-coup travaillée. Déjà, en amont on fait travailler tout ce qui est local au niveau des sites du festival. Ce sont des artisans locaux qui s’occupent de tout cela et c’est très important. On fait travailler tous ceux qui travaillent dans ce domai-ne de l’architecture, en terre rouge pendant les préparatifs. Et il y a aussi les hôtels qui sont pleins. Tous les hôtels sont pleins et parce que déjà, à partir du jeudi soir, on ne peut plus avoir une chambre d’hôtel. Pendant toute l’année on n’a pas cette affluence pour avoir des chambres d’hôtels et même les appartements des particuliers.

Mali-Tribune : Quels sont vos points de satisfac-tion ? A. M. : Je pense que les premières satisfactions c’est vraiment la participation. On a eu une participation massive à cette édition. On remercie tous les festivaliers qui ont effectué le déplacement mal-gré cette conjoncture écono-mique que vit le pays. Malgré l’embargo, on remercie aussi les amis de l’Afrique et d’ailleurs qui ont tenu à être là. On remercie toutes les forces de sécurité qui ont montré leur professionnalis-me. L’autre point de satisfac-tion, c’est qu’on avait annoncé beaucoup d’activités. On a pu réaliser ces activités à plus de 95% durant cette édition. Ceci est aussi extrêmement impor-tant. et parce que quand on prend des engagements, on tient à les respecter. On a pu aussi faire l’avant-première du vestibule Maaya, qui est une activité qu’on a présentée à documenta 15 en Allemagne.

Propos recueillis par Aminata Agaly Yattara

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